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Comme le tournesol traverse la nuit 2023

Carte Blanche du Frac Centre-Val de Loire

POCTB, Orléans

Curatoriat : Nelly Taravel

La naissance de l’image a partie liée avec la mort. Mais si l’image jaillit des tombeaux, c’est en refus du néant et pour prolonger la vie. (« Vie et mort de l’image », Régis Debray)
Comme le tournesol traverse la nuit, dans une errance nocturne en attente du jour, André Guiboux nous entraine dans les méandres d’une réflexion sur l’art cathartique et thérapeutique. Né du deuil et de la souffrance, ce voyage initiatique redonne à la création sa magie, sa force de convoquer l’invisible et son pouvoir de réconcilier matérialité et spiritualité.
Cette plongée au cœur de l’intimité de l’artiste commence par une prière. Primitive et silencieuse, elle prend la forme d’une série de tirages au gélatino-bromure d’argent sur plaque de verre et feuilles d’or. Elle magnifie les éblouissements photographiques du soleil, source de vie et d’image, qu’on ne peut pourtant pas fixer directement.
Ce puissant clair-obscur polarise l’ensemble des œuvres de l’exposition à laquelle on accède par des portes : celles de Janus. Divinité romaine associée au « passage » - qu’il soit de l’intérieur vers l’extérieur, de notre monde terrestre à celui du divin, du néant à la vie, du passé vers le futur, Janus est symbolisé dans l’antiquité par une figure gémellaire bicéphale. En ces lieux, le passage prend la forme de portes brûlées, sublimées par leur finitude, esquissant le symbole «pause» ou, autrement dit, un présent.
C’est dans ce présent en marche qu’André Guiboux nous fait rencontrer Belkacem Bouzoula, figure éponyme de son film Bleu Bouzoula et d’un ensemble de portraits peints et sculptés. Se tisse entre eux un lien né dans l’altérité et la ressemblance. Tous deux marqués par des drames personnels qui ont modifié leur trajectoire de vie, André et Belkacem tracent ensemble une ligne commune de guérison. Ils explorent des rituels, leur redonnent leur « efficacité symbolique », questionnant l’art dans son essence première visant à se charger et se décharger du monde. Et toujours autour d’eux le bleu, celui du ciel et de la mer.
Ce cheminement poétique et spirituel dans l’œuvre d’André Guiboux trouve sa fin – ou son renouveau – dans une procession, aussi majestueuse que crépusculaire. Sur un étang où s’est un jour noyé un enfant, une barque à huitre transporte une Golf, voiture dans laquelle est un jour décédé un jeune homme ; sur son toit, les portes du passage.
Nelly Taravel

Texte à l'entrée de l'exposition.

Je ne me rappelle pas du début… Je me rappelle juste qu'on partait toujours à la plage avec une serviette. Une serviette pour deux. On la posait en large face à la mer et chacun s'asseyait d'un côté. Et après la baignade, on prenait un coin pour se sécher.

Ce rituel m'accompagne toujours. Je pose ma serviette en large sur la plage, même depuis que mon frère jumeau nous a quittés. Juste au cas où quelqu'un n'aurait pas de serviette.

J'ai partagé cette serviette avec beaucoup de monde. Je suis resté longtemps seul dessus aussi, même quand les amis y venaient. Il aura fallu attendre que des personnes en situation de handicap viennent tirer dessus pour me sentir mieux. Ils ont redonné sens à la vie quand il n’y en avait plus.

C'est peut-être ça, être artiste. Prier un instant avec les mains, avec les pieds, et mettre sa serviette en large sur la plage.

Je rêve d'un monde sans événements artistiques et où nous serions tous artistes. Je descendrais à la plage un 15 août et j'apercevrais les milliers de touristes le long de l'eau, leurs serviettes en large face à la mer, la partageant avec ceux qu'ils aiment.

Ce serait un geste simple, pour rendre hommage à l'amour, à la fraternité.

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